[Santé et Environnement] Pourquoi la France ne sortira pas du diesel malgré la pollution

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Pourquoi la France ne sortira pas du diesel malgré la pollution


Par Laurent Martinet, publié le 19/03/2014 à 09:55, mis à jour le 20/03/2014 à 17:42

Les véhicules roulant au diesel sont pointés du doigt après le pic de pollution aux particules fines qu'a connu la France la semaine dernière. Mais ils gardent de solides défenseurs, surtout au gouvernement.

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Le pic de pollution aux particules fines atteint la semaine dernière dans plusieurs régions françaises relance le débat sur le diesel, qui en émet plus que l'essence et qui est considéré cancérogène par l'Organisation mondiale de la santé. En 1999 à Tokyo, pour venir à bout de la pollution, les autorités avaient appelé à "ne pas conduire, ne pas acheter et ne pas vendre de véhicules diesel", rappelle Lemonde.fr. Mais aujourd'hui en France, un tel mot d'ordre n'est pas du tout à l'ordre du jour. Le sénateur écologiste Ronan Dantec propose une taxation spécifique qui financerait une prime à la casse, et le député François de Rugy, contacté par Lexpansion.com, réclame surtout "un signal fiscal de rééquilibrage" pour réduire l'écart de 20 centimes par litre entre diesel et essence. Explications.

Un pays diésélisé
Le diesel a représenté 67% des ventes de voitures neuves l'an dernier dans l'Hexagone, selon le Comité des constructeurs français d'automobiles (CCFA). La part "diesel" de l'ensemble du parc automobile français était de 61,3% au 1er janvier 2013, selon ses derniers chiffres disponibles, alors qu'elle était inférieure à 10% en 1990 et faisait jeu égal avec l'essence en 2007. Les ventes de véhicules diesel ont cependant reculé en 2013, une première depuis 20 ans, les consommateurs leur préférant de plus en plus la motorisation essence pour les petites cylindrées. Mais avec un taux de diésélisation supérieur à 60%, la France n'est pas isolée en Europe, rassure le site Pleinphare-leblog.fr, une émanation de ... PSA qui propose "un éclairage sur le diesel".

Les constructeurs français, qui revendiquent plus de deux millions d'emplois directs et indirects, sont en effet de fervents défenseurs du diesel. "Il y a un savoir-faire particulier dans le diesel en France", reconnaît Daniel Quéro, président de l'association 40 millions d'automobilistes. "Attaquer le diesel c'est attaquer le made in France", a tout simplement dénoncé le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg en mars dernier sur France 2, pour s'opposer à toute surtaxe.

Le diesel, un carburant propre?
Les partisans du diesel jouent aussi la carte... écolo. Puisque les moteurs diesel consomment moins, ils émettent moins de dioxyde de carbone (CO2), le composé chimique jugé responsable du réchauffement climatique. Si les particules fines émises par le diesel posent effectivement un problème de santé publique, leur diffusion est limité par le filtre à particules rendu obligatoire pour les véhicules mis en service à partir de 2011 par la norme européenne E5. Quant aux oxydes d'azotes (NOx), eux aussi très mauvais pour la santé mais que les filtres à particules n'arrêtent pas, ils peuvent être détruits par des catalyseurs qui seront rendus obligatoires à partir du 1er septembre 2015 par la norme E6 (1er janvier 2014 pour les camions). "Avec la norme E6, les moteurs diesel n'émettent ni particules ni oxydes d'azote", nous certifie-t-on au Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique (CITEPA).

"Le problème, c'est le parc existant", estime Daniel Quéro. Sur les 19 millions de véhicules diesel circulant en France, seuls 15% sont à la norme E5, selon le CITEPA. Daniel Quéro propose de mettre en place un dispositif de prime à la casse même en cas d'achat d'un véhicule d'occasion satisfaisant à cette nouvelle norme. Un point de vue curieusement rejoint par l'écologiste François de Rugy, qui serait prêt à favoriser l'achat de véhicules d'occasion diesel à la norme E6 pour se débarrasser des anciens véhicules. "Je sais bien, pour l'avoir observé dans ma circonscription", note le député de Loire-Atlantique, "que ce sont souvent les personnes les plus modestes qui achètent des véhicules diesel. Mais le marché diesel de l'occasion est surcoté."

Un gouvernement pro-diesel?
Le ministre de l'Écologie Philippe Martin a annoncé vouloir rencontrer "bientôt" Renault et PSA Peugeot Citroën pour parler de leur stratégie industrielle concernant le diesel. Pas sûr que le gouvernement s'attaque à l'avantage fiscal accordé au gazole. Le diesel n'est pas "l'élément prioritaire", a insisté le ministre. Pour Philippe Martin, "en aucune façon" la question de la lutte contre la pollution "ne saurait se résumer à celle sur la fiscalité du diesel".

"Les constructeurs ont des propositions constructives à faire", estime pour sa part le ministre du Redressement productif Arnaud Montebourg. Constructives, elles ne consistent probablement pas à renoncer aux technologies diesel. D'après le pétrolier ExxonMobil, cité sur Pleinphare-leblog.fr, "le gazole est amené à devenir le carburant numéro un dans le monde". Selon ExxonMobil, le diesel va dépasser l'essence d'ici 2040 et va absorber 70 % de la croissance en carburant.

François de Rugy, lui, parie sur la norme E6 pour "éliminer le diesel des petites voitures", car son respect les rendrait trop coûteuses. Une tendance qu'il observe déjà dans les catalogues des constructeurs, assure-t-il, puisque les nouveaux moteurs à essence, sobres, sur les petites cylindrées, les rend plus intéressantes pour le consommateur économe. Le diesel, même propre, devrait être réservé "aux véhicules les plus lourds, qui roulent le plus".

Vidéo à la suite de l'article : Pourquoi la France ne sortira pas du diesel malgré la pollution - L'Express avec L'Expansion