En ce moment sur ARTE, pourquoi l'eau ne doit pas être gérée par des acteurs privés......
Jusqu'à la dernière goutte
Les guerres secrètes de l'eau en Europe
De manière générale, je suis pour que les entreprises de gestion des ressources/énergies restent aux mains de l'Etat.
Car au fond, des boîtes comme Total, Engie, EDF... sont des "machines à fric". Ils ont peu de problème de compétitivité, comme on peut connaître dans d'autres secteurs. Et puis c'est stratégique de détenir ces entreprises de gestion de ressources/énergies pour la souveraineté du pays.
Mais la nationalisation ne marche pas partout, et je vais prendre un exemple très frappant : la Chine.
Comment elle est passée d'une société communiste où tous les entreprises sont étatiques à une société similaire à la notre, et les leçons qui ont été retenues.
"Hold your beer". Je vais raconter une longue histoire, mais j'espère qu'elle pourra vous donner une autre vision de l'humain.
Retour dans les années 80. La révolution culturelle, qui a duré 10 ans (1966-1976), prend fin.
Jamais un pays a connu
une telle éradication des idées de la droite dans la société et je dirai que c'est sans doute la plus grande expérimentation sociologique menée dans l'histoire. En pratique, la révolution culturelle c'est :
- Tous les personnes issues des familles jugées "bourgeoises" (ex.banquier, ex.patron, ex. propriétaire de terres, médecins, ingénieurs...) sont condamnées en place publique, envoyés en re-éducation, torturés, voir fusillés (on parle de plusieurs millions de tués)...
- L'administration, jugée comme une "bureaucratie" ou "technocratie", a été presque totalement anéantie.
En réalité, beaucoup de villes en Chine sont tombés en anarchie.
Imaginons que toi et moi on est des enfants d'ouvriers ou de paysans, et ça fait partie de la "normalité" qu'on crée un groupe et on se soulève contre notre mairie gérée par des bureaucrates. On les renverse. (puis parfois les groupes se battent physiquement ou oralement entre eux pour que le plus prolétaire prend le pouvoir...)
Le président chinois (Liu Shaoqi) lui même est mort emprisonné!
- 20 millions de collégiens, les lycéens et les étudiants de ville sont envoyés dans les campagnes pour re-apprendre les "bonnes valeurs" de travail des paysans. Lire l'excellent roman "Balzac et la petite tailleuse chinoise".
- Les écoles ou les hôpitaux ne fonctionnent presque plus. Puisque les "autorités intellectuels" doivent être tous évincés et contestés. Dans le film Vivre!, on raconte très bien le passage où la fille de Gong Li meurt de l'accouchement parce qu’il y avait que des jeunes étudiantes de médecine garde rouge sans expérience à l'hôpital.
Pour vous donner une idée de l'ampleur, le premier ministre a dû donner un ordre personnel pour protéger les équipes ingénieurs qui travaillaient sur le programme du sous marin nucléaire.
Pour ceux qui aiment lire, le roman "
Le Livre d'un Seul homme" qui a obtenu le prix Nobel de littérature en 2000, permet de bien comprendre la psychologie des chinois de cette époque.
Je raconte tout ça parce que c'est important de rappeler qu'en 1976, quand cette révolution culturelle prend fin, tu peux dire, ça y est, avec cette opération grand ampleur, normalement tout le "mal" des pensées capitalistes a été éradiqué dans la société chinoise. Le "reset" a été fait. Le nouveau citoyen chinois de 1976 a vu toute pensée "vivre pour soi" éradiquée, normalement.
(
Je marre parfois quand je lis les idéologies de certains mouvements très à gauche en France, car tout ce qu'ils ont rêvé ou qu'ils n'ont même pas imaginé, la Chine l'a fait dès 1966 et regardes le résultat maintenant...)
Deng Xiao Ping est donc arrivé en pouvoir en 1978.
C'est un général communiste qui s'était illustré dans la guerre civile. Fait marquant, dans sa jeunesse, il étudiait en France, il avait travaillé en tant qu'ouvrier dans l'usine Renault.
Donc à cet époque, tous les entreprises, tous les usines sont étatiques.
Le pays est totalement fermé (comme la Corée du Nord), le seul point d'ouverture était Hong Kong (là où je suis né).
Pour comprendre la relation commerciale de cet époque, mon père, qui était un acheteur pour une entreprise française implantée à HK, disait qu'à l'époque, il faut avoir des très bonnes relations avec les responsables des usines d'Etat, pour qu'ils vous revendent des parts "extra-quota". En effet, chaque usine se contente de produire la quantité de produits imposée par l'Etat, et puis c'est tout.
Mais le prix de vente était si intéressant, car ils s'enfichaient un peu le prix qu'ils revendent. De toute façon, ça revient à l'Etat.
Puis voyant la prospérité économique de Hong Kong, en contraste avec la pauvreté de la Chine continentale, alors que ce sont des chinois, les dirigeants commencent à se poser des questions sur leur modèle économique. C'est un débat public bien virulent de savoir si on doit adopter le modèle de l'économie du marché (capitaliste) ou le modèle de l'économie dirigée (communiste).
Deng Xiao Ping avait tranché en disant : "Chat noir ou chat blanc, si ça choppe la souris c'est un bon chat", et il avait aussi donné un consigne : "Laisses une partie des gens s'enrichir d'abord".
Le régime a donc commencé à toléré l'existence des entreprises privées (appelé "comptes individuels"). Au départ, ces auto-entrepreneurs sont largement méprisés par les entreprises/usines de l'Etat. On les appelle d'ailleurs : "les comptes en dehors du système", et c'est un terme péjoratif à l'époque. Quand on lit la littérature de l'époque, tout ce qui est privé est méprisable.
(photo d'un entrepreneur privé réparant la télé)
La classe c'est de bosser dans une entreprise d'Etat, monter en grade... Le privé, c'est aussi le prise de risque, c'est la honte d'être en dehors du système (
avant que le débat politique soit tranché, tu as même des entrepreneurs arrêtés parce qu'ils sont entrepreneurs)
Des gens se cachaient pour que leurs ex. camardes de classe ne les voient pas en train d'entretenir un magasin privé.
Les entrepreneurs privés avaient donc moins de moyens matériels (des petits ateliers contre des grands usines), et ils avaient aussi moins de personnels qualifiés au départ (les meilleurs bossent tous dans le système...).
Pourtant, au fur et à mesure, le privé va manger tout cru les entreprises publics.
Parce que les entreprises privés sont en mode survie, alors que les entreprises publics sont en mode "filet de sauvetage".
Quand les entreprises privés font tout pour satisfaire le besoin des clients, les entreprises public n'ont que faire des clients : Ma qualité de produit ne te correspond pas à ton exigence et j'ai livré en retard? Et alors?
Pendant l'époque de l'économie dirigée, ce genre de problème se résolve à "je bois un verre pour me faire pardonner" (histoire véridique)
Les responsables d'entreprise publique n'ont jamais su (ou envie) de innover leurs produits ou leur organisation.
Quand l'Etat a fini par lâcher économiquement les entreprises d'Etat, ceux qui fonctionnent mal ont du déposer bilan, et tous ça finissent par aboutir à des millions de chômeurs.
(Salle d'accueil de CNPC, l'équivalent de Total en Chine...)
Mais bien sûr, beaucoup d'entreprises stratégiques en énergie ou en télécommunication restent aux mains de l'Etat.
Et comme on peut voir sur l'image ci-dessus, c'est luxe et volupté...
Et en même temps, si la population chinoise s'est enrichit considérablement avec l'économie du marché, et les industriels deviennent enfin compétitifs face aux industriels étrangers, les inégalités se sont aussi beaucoup creusés.
Malgré l'épuration idéologique de la révolution culturelle, le capitalisme sauvage est plus sauvage que partout ailleurs, quand on voit que les industriels sont capable d'injecter du
mélamine dans le poudre de lait infantile, ou les petits PME utilisent des produits toxiques pour créer des fake aliments.
(Fabrication des œufs artificiels qui circuleront sur le marché comme des vrais œufs...)
Bref, à chacun d'avoir son point de vue sur tous ces histoires...