Chacun de nous est par son métier "expert" dans un certain domaine (informatique, juridique, médical, scientifique ou autre), et vous avez sans doute déjà remarqué que les journaux "généralistes" (
PQN et
PQR) donnent souvent des explications grossières, des contre-vérités ou des approximations sur le sujet que vous connaissez bien. Perso je le remarque par exemple sur les sujets liés à la sécurité informatique ou sur l'aérospatiale ; je ne suis pas expert mais j'ai suffisamment de connaissances pour observer le phénomène.
Ceci est principalement du au fait que les journalistes généralistes sont des "experts" de l'écriture et c'est à peu près tout ; ils n'ont pas de formation informatique/juridique/médicale/scientifique, et répètent ce qu'ils pensent avoir compris en résumant, tout en essayant de faire de l'audience, donc avec des "phrases choc" et autres artifices d'écriture (il faut faire peur - il me revient en tête l'article mentionné ailleurs sur le forum titrant sur Daesh qui veut exploiter des voitures autonomes, et qui parlait en fait de voitures télécommandées, ce qui n'a à peu près rien à voir).
Si vous avez constaté cette médiocrité dans le traitement des sujets que vous maîtrisez, vous pouvez assez facilement extrapoler sur d'autres sujets pointus et vous poser la question du poids réel d'un article que vous lisez. Pour le dire autrement, si ça provient de Science & Vie ou si ça provient du Figaro, et que ça parle de l'énergie (ou de l'hybride
), je n'accorderai pas la même crédibilité.
Tout ce petit paragraphe d'intro juste pour rappeler que "lu sur le journal" ou "vu à la TV" c'est suffisant comme argument quand on veut acheter une casserole en télé-shopping, mais beaucoup mois sur les sujets complexes. Sur ceux-là il faut choisir ses sources d'info et se faire sa propre opinion.
Hortevin, je pense que tu as donné la référence parfaite pour la discussion sur l'Allemagne :
Manicore - Vers quoi l'Allemagne transitionne-t-elle exactement ? ; je vous conseille de lire toute la page, et au moins les quelques premiers et derniers paragraphes.
Je résume : dans les années 90 les allemands produisaient environ 25% de leur électricité en nucléaire et 65% avec du fossile (=on brule du gaz ou du pétrole). Ca générait des quantités
astronomiques de CO2 - un "allemand moyen" générait 80% de CO2 de plus que son voisin français. On ne parle pas de 10% en plus mais quasiment du double par habitant, et avec une population plus élevée.
Après Fukushima, leur gouvernement a décidé de supprimer les 25% de nucléaire et les remplacer par du renouvelable (en réalité Fukushima a seulement accéléré une tendance existante). Le fossile est resté quasiment stable en volume, donc les rejets de CO2 idem.
Avec le recul, environ 25% de leur production électrique a effectivement été convertie, pour la modique somme de +/- 350 milliards d'euros (à côté de ça on pleure parce que le prototype de l'EPR a augmenté de 4 milliards par rapport à l'estimation initiale). Pour aller au bout de cet effort, et passer à 100% renouvelable, donc remplacer aussi le fossile existant en plus du nucléaire, il faudrait remettre
2000 milliards d'euros sur la table en investissement initial.
Je dis "investissement initial" parce que les installations vont avoir une durée de vie d'environ 25-30 ans après quoi il faut les remplacer. Sans doute les tarifs auront baissé d'ici là, mais la consommation aura aussi augmenté entre temps, donc il ne faut espérer diviser ce prix par 10.
Accessoirement entre 2000 et 2012 le prix du courant a augmenté de +/- 80% pour le consommateur allemand. Comme disait la chanson : c'est peut-être un détail pour vous, mais pour moi ça veut dire beaucoup
Il est difficile de chiffrer l'augmentation qui correspondrait aux 2000 milliards supplémentaires, mais en ordre de grandeur le prix pourrait multiplier par 5. Une paille.
Si on considère ces coûts répétés sur une durée de 60 ans, soit la durée de vie max d'une centrale nucléaire, on aurait pu payer entre 15 et 30 fois le remplacement de toutes les centrales nucléaires françaises actuelles. Là pour le coup on n'est plus dans le même ordre de grandeur !
En bref, nos amis allemands ont payé une méga-blinde pour se débarrasser d'un problème (le nucléaire) et en ont conservé un autre au moins tout aussi merdique (le fossile avec ses gaz à effet de serre). S'ils voulaient aller au bout du raisonnement, il faudrait multiplier la méga-blinde par 6.
Perso, je suis pour l'instant plus inquiet pour l'effet de serre au niveau mondial que par les problèmes (réels !) locaux du nucléaire. Quand les 2.5 milliards de chinois et d'indiens voudront avoir le même niveau de consommation électrique que nous (et personne ne va leur interdire), vous leur conseilleriez quoi entre nucléaire et fossile ? Evidemment qu'en parallèle, pour les transports, ils vont de toute façon opter pour le fossile "comme tout le monde" (non, il ne vont pas acheter massivement des Tesla, mais surtout de l'essence et un peu de diesel).
Pour finir, il n'y a pas de vérité dans la vie, tout est question de choix. J'étais frontalier, habitant à Metz et travaillant au Luxembourg. Je faisais 130 km par jour en diesel de fonction ; je ne payais ni le carburant, ni les effets des gaz rejetés. Et pourtant j'ai fini par choisir d'acheter un petit appartement au Luxembourg plutôt que (pour moins cher) une énorme maison en France. Deux raisons à ça : je fais maintenant 15 km par jour avec une hybride, et je sais que mon logement a une empreinte écologique peut-être trois fois inférieure à celle de la maison que j'aurais achetée en France. Inutile de dire qu'autour de moi très peu de gens comprennent mes choix : mais comment tu as pu choisir MOINS de logement pour PLUS CHER ??? Et comment tu refuses une grosse BMW de fonction pour rouler une Toyota basique ??? Ca s'appelle un choix et je l'assume, parce que je connais les conséquences de mes choix sur le plus grand terme.
De la même façon, la société doit assumer ses choix. Aujourd'hui la France a choisi d'assumer le nucléaire, l'Allemagne des rejets de GES massivement plus élevés. Les choix que nous ferons pour le futur, et les choix que les nouveaux arrivants sur la planète consommation feront, auront des gros impacts sur les GES et sur le prix de l'énergie ; pour le dire autrement il est possible qu'à un moment il faille choisir entre énergie extrêmement chère, pollution nucléaire ou pollution de l'atmosphère. Entre tous ces éléments j'ai aussi fait mon choix personnel et je suis prêt à l'assumer, même s'il n'est pas populaire.
Je ne prétends pas vous avoir fait changer d'avis, mais j'espère au moins que pour les prochaines fois où la question se posera, vous aurez quelques éléments "de fond" en plus.