Je partage beaucoup ce que
FoLuxo écrit, mais suis encore un peu hésitant sur la question à savoir si le chemin choisi par l'Allemagne de dépenser autant d'argent pour les ENR soit une faute. Vivant en Allemagne, il est vrai que j'ai subi une douche de mélanges d'infos et de mensonges, et il faut faire le tri. J'approfondirai d'abord mes connaissances sur ce dossier. Ce qui est condamnable est leur sortie du charbon et du lignite beaucoup trop lente. Mais ici également, c'est un sujet complexe. Et ils ont au moins un projet susceptible à être révisé dans le sens d'une accélération.
Merci Jan pour les commentaires.
Je pense que le plan allemand mérite en effet d'être détaillé. Tous les chiffres que je vais donner viennent du Fraunhofer Institut et sont visibles sur
https://www.energy-charts.de dans
Transformation Paths. Fraunhofer a défini plusieurs scénarios pour la transition électrique, en fonction de plusieurs paramètres. Je ne vais parler que du scénario "référence", celui par défaut.
Voici les objectifs allemands à 2050 :
- Sortie du nucléaire en 2022
- Sortie du charbon en 2038
- Neutralité carbone du système électrique en 2050
Comme tu dis, excepté le "détail" qu'ils sortent du charbon dans très longtemps, ça part d'un bon sentiment.
Et voici ce que ça entraîne en terme de changements dans les différents moyens de faire de l'électricité. Chaque graphe, sauf le dernier, montre les ajouts (en positif) ou les suppressions (en négatif) par type de centrale et par an. Ça donne une idée de ce qu'il faudra construire ou démolir.
- charbon : diminution très lente chaque année, puis suppressions brutale de tout en 2035. C'est très loin dans le temps, et on est priés de croire que toutes les hypothèses vont se vérifier d'ici là. Ca permet en grande partie de sécuriser l'emploi dans les centrales, parce que d'après le plan elles vont tourner de moins en moins au fur et à mesure que le reste augmente.
- éolien terrestre : à partir de 2026, chaque année, on doit ajouter plus qu'on n'en a jamais ajouté jusqu'à présent, et ce pendant 20 ans d'affilée. Pire, ce sont des ajouts nets ; avec les éoliennes des années 2000 qui arrivent en fin de vie, il faudra à la fois remplacer l'existant ET en ajouter pour arriver à ces chiffres. En gros, pour chaque année à venir, on peut quasiment ajouter au-dessus de la barre celle de l'année x-20. Par exemple pendant l'année 2034 on devrait ajouter au total 10 GW d'éolien (pour comparer, tout le parc français actuel fait 16 GW)
- éolien off-shore : c'est simple, tout ce qu'ils ont fait jusqu'à présent n'est qu'un vague aperçu du plan à venir... Ajout de >2 GW par an pendant 25 ans. Même chose, il faudra en plus remplacer au fur et à mesure ce qui arrive en fin de vie, et sur l'off-shore ce serait encore plus rapide que pour le terrestre.
- Photovoltaïque : encore pire. +12 à +15 GW d'ajout par an. Ici aussi on parle de net, donc il faut ajouter les remplacements d'installations en fin de vie. Pour comparaison, tout le parc français actuel, c'est 10 GW.
- et le plus "drôle" : évolution du parc de centrales à gaz. Ben oui, on supprime du charbon et du nucléaire, donc IL FAUT ajouter des centrales pilotables qui compensent. Donc bon an, mal an, ils veulent construire de 4 à 8 GW de gaz chaque année. La plan dit que le gaz naturel sera progressivement remplacé par du biométhane ou de l'hydrogène. Ça se base sur l'hypothèse que le power-to-gas va fonctionner au niveau industriel, chose qui reste à prouver. En attendant, et parce qu'on n'est jamais trop prudent, l'Allemagne essaie de finaliser l'énorme gazoduc Nordstream depuis la Russie, et les Etats-Unis font tout ce qu'ils peuvent pour faire échouer le projet...
Au final, en regroupant toutes les images au-dessus, voici à quoi devrait ressembler l'évolution du parc allemand :
Le parc de 2002 couvrait les besoins, mais était très carboné. Pour des besoins à peine supérieurs, le parc de 2050 serait 8 fois plus gros. Il est blindé en surcapacité pour réduire l'intermittence. Pour la neutralité carbone, tout repose sur le pari de la conversion en hydrogène qui aujourd'hui est à l'étape de prototype. Si ça s'avère trop difficile à mettre en œuvre, il resterait un parc de centrales au gaz équivalent à tout le pilotable actuel, donc un mix électrique à environ 100-150 g CO2/kWh.
Enfin, en termes de coûts, la "transformation" à gauche de la barre rouge a coûté presque 500 milliards €. Même avec des prix qui ont baissé, à combien va s'élever la facture totale, et sera-t-elle payable ?
Si quelqu'un est convaincu par ce plan, je veux bien qu'il essaie de me persuader. De mon côté, la seule question que je me pose, c'est à quel moment ils vont décider que ce n'est ni réaliste ni raisonnable, et avouer qu'il faudra faire avec un mix charbon+gaz+EnR.