Je passe sur la partie financière, je ne connais pas les ordres de grandeur pour la Belgique. C'est plus la partie radioactivité qui m'intéresse.
L'article ne mentionne pas un truc qui me semble important : la décharge, et surtout le point mis en avant (contamination au radium en un point en dehors de la clôture) n'a pas de rapport avec l'électricité nucléaire. Ces déchets proviennent de la fabrication de sources à destination de la médecine. Jusque dans les années 60, on utilisait surtout du radium pour le traitement des cancers. L'usine qui se trouvait là fabriquait ce genre de source médicale. L'article parle aussi d'uranium à destination militaire, et j'ai lu que le site à également fabriqué du combustible nucléaire pour les centrales, mais l'uranium n'est pas en cause ici, le problème ce sont les déchets de radium. J'en conclus que Greenpeace milite pour l'arrêt de la médecine aussi...
Pour ce qui concerne les mesures : clairement, les 10 microSv/h et les 22.300 Becquerels/kg mesurés sont anormaux. On n'est pas du tout dans l'habituel. Mais est-ce dangereux ? Il faut des explications pour comprendre la réponse.
La radioactivité peut affecter de deux façons :
rayonnement et
contamination.
Rayonnement, c'est subir des radiations d'une source. Pour se mettre à l'abri, il faut s'éloigner. On le voit dans l'article : s'écarter de 90 cm de la source divise le rayonnement par 2 dans ce cas. Et le rayonnement diminue avec le carré de l'éloignement : très vite. Si on va 10 fois plus loin, le rayonnement est divisé par 100.
Contamination, c'est avoir sur soi des particules radioactives. Dans ce cas, le rayonnement subi est constant même si on s'éloigne. Le pire, c'est la contamination interne : la peau protège très bien contre les rayonnements alpha, les plus destructeurs, mais les muqueuses comme l'estomac et surtout les poumons ne protègent pas trop. Donc, comme le dit l'article, le gamin qui met la main à la bouche avec un peu de terre, c'est le pire des scénarios.
Mais c'est grave comment, le pire des cas ? Je vais supposer qu'un gamin s'amuse à manger de la terre pile-poil au pire endroit mesuré.
Le pire qu'ils ont mesuré, en terme d'activité, c'est du sol contenant du radium à 22.300 becquerels/kg. Il y a des "
tables de conversion" qui donnent, radioélément par radioélément, la dose subie "si on en mange" ou "si on en respire sous forme de poussières". Du coup en regardant le tableau : si on mangeait 1 kilogramme de la terre en question, on subirait 22,3 * 0,305 = 6,8 mSv.
Je doute que les enfants mangent la terre par kilogramme à la fois. En comptant 10 g (ce qui me semble déjà un bon appétit, mais je n'ai pas d'enfant
) on arrive à
0,068 mSv pour le scénario catastrophe du gamin mangeant de la terre.
Et c'est beaucoup ces 0,068 mSv ? Chaque année, on se prend entre 3 et 4 mSv à cause de la radioactivité naturelle (75%) et à cause de la médecine (25%). Les 0,068 mSv, c'est à peu près ce qu'on subit lors d'un aller-retour Paris-New York en avion. Et je me souviens qu'avant le COVID, les avions étaient pleins d'enfants.
En dessous de 100 mSv, on ne constate pas d'effet sur la santé, même à long terme. La dose subie en mangeant un peu de terre prélevée au pire endroit, c'est 200 fois plus petit que ça.
Bref, pas de quoi fouetter un chat. Alors pourquoi l'article mentionne le fait qu'à Fukushima, ce serait un site interdit ? C'est simple : parce que ce ne serait pas une bonne idée de vivre dans ce point précis, d'y cultiver des légumes, de boire du lait de vaches qui y paissent, de soulever la poussière en voiture et la respirer sans arrêt, etc. Tout ceci arriverait si on parlait d'un grand territoire, mais pas d'un point précis comme ici.
En fait c'est exactement comme avoir un peu de gaz d'échappement dans un endroit très précis. On peut le traverser ou même y passer pas mal de temps sans effet concret sur la santé. Mais on ne conseillerait pas non plus d'y vivre 30 ans.
L'AFCN (l'équivalent de l'ASN/IRSN) arrive à
la conclusion suivante :
"
Bien que les contaminations, en particulier sur la décharge D1, atteignent parfois un niveau important, leur impact sur la population reste heureusement limité. En effet, la décharge D1 est clôturée et n’est donc pas accessible au public. La contamination sur les terrains accessibles au public est beaucoup plus faible et n’entraîne pas d’exposition significative en cas de présence occasionnelle sur la zone contaminée."
Donc n'allez pas franchir la clôture pour faire pousser vos carottes juste au sommet de la décharge D1 pendant trois décennies, et ça devrait aller. Toutes vos activités quotidiennes contiennent des problèmes et poisons beaucoup plus graves. Mais pour autant ça ne peut pas rester en l'état, en pensant au long terme :
"
Bien que l’impact radiologique actuel de la contamination présente à Olen soit limité, il pourrait devenir significatif en cas de changement d’affectation des terrains concernés. La contamination constitue ainsi un frein au redéveloppement de ces terrains et nécessite un suivi permanent. Une stratégie globale d’assainissement s’impose donc."
Si je résume : il y avait une usine qui fabriquait des sources médicales servant à traiter les cancers jusque dans les années 60. Quand ils ont fermé l'usine dans les années 70, ils ont conditionné les déchets à la façon dont ça se faisait à l'époque. Il y a un endroit en-dehors de la clôture qui a été contaminé. Ça ne pose aucun problème concret, mais il faudra trouver une meilleure gestion pour ces déchets à un moment ou un autre. Des activistes malhonnnêtes sortent le mot magique (Fukushima !!!) pour essayer de créer un lien avec les centrales nucléaires, et surtout faire peur. Et il faut beaucoup de temps et de connaissances pour montrer en quoi c'est faux... C'est pour ça qu'ils ont réussi à retourner l'opinion : c'est beaucoup plus facile et rapide de mentir, que de montrer que c'est un mensonge...
En passant, pour ceux qui ne se sont pas endormis à la lecture de tout ça : en regardant la "table de conversion" que j'ai mentionnée au-dessus, on s'aperçoit que le même nombre de Becquerels peut produire des effets 100.000 fois plus ou moins élevés suivant l'élément radioactif qui l'émet. Voilà pourquoi parler uniquement en Becquerels ne sert à rien à part effrayer - il faut obligatoirement avoir une conversion en Sieverts pour avoir une idée du problème concret.