- Le marché international est largement tourné vers les énergies renouvelables (il y a quand même suffisamment de statistiques dessus...)
C'est plus "agile" économiquement, ça devient lourd de nos jours d'investir 10 Md€ et attendre 10 ans de construction pour avoir un réacteur 1600 MW.
Euh... non. Le marché électrique international est TRES, TRES, TRES largement tourné vers le fossile (encore le premier en volume et en croissance, dans le présent et dans l'avenir prévisible), puis en renouvelable "traditionnel" (hydro), puis en nucléaire, puis enfin en renouvelable "moderne" (PV et éolien). Les détails ici pour ceux que ça intéresse
https://www.planete-energies.com/fr/medias/decryptages/le-mix-electrique-mondial
Je sais, il y a des tas d'articles dans la presse qui nous disent des bonnes nouvelles sur le renouvelable tous les jours. Tout comme il y a des tas d'articles sur les voitures hybrides et électriques, et en même temps 95% ou plus du parc mondial de voitures c'est du thermique. Quand on prend une loupe pour regarder un détail, il ne faut pas croire qu'on vient de comprendre l'ensemble - on a compris un détail.
Avec des éoliennes par exemple, tu investis à hauteur de 1,3 M€ par MW installée. Cette année, tu as pas beaucoup de budget, tu mets 10 éoliennes de 12 MW, ça te coûte 150 M€ pour 120 MW installées. L'an prochain, tu as plus de sous, tu peux investir le double.
Ben non, il faut regarder ce que les Allemands ont fait en dix ans (cf plus bas). Ils n'ont pas mis un peu d'argent par-ci par-là, ils ont mis un paquet de fric totalement faramineux, des sommes littéralement inimaginables. 10 milliards c'est cher pour le prototype de l'EPR ? Alors
500 milliards dans les renouvelables allemands, c'est quel mot qu'il faut utiliser ?
Et puis de façon globale, heureusement que les producteurs de courant ne raisonnent pas comme ça. Ce serait l'équivalent d'une compagnie de transport routier qui trouverait que plutôt que d'acheter un camion à 500.000 €, c'est mieux d'acheter chaque semaine un vélo à 500€. Financièrement ça peut tenir la route, mais quand il s'agit de faire tourner le business, c'est une autre histoire...
Pour le démantèlement, ne soyons pas naïf, point de vue ingénieur, bien sûr à MW installée égale, ce sera largement moins galère et moins coûteux de démanteler les éoliennes que les centrales nucléaires. Pour démanteler une éolienne, on n'a pas besoin d’inonder le réacteur avec une piscine, découper les parties chaudes avec un robot, et enfouir les déchets du démantèlement sous la terre. La radioactivité complique toute intervention humaine
Le mot LARGEMENT est très peu mérité ici. En prenant uniquement les éoliennes terrestres, en comptant les tWh fournis, le nucléaire coûte deux fois plus cher à démanteler que l'éolien. Pas 10 fois, pas 100 ou 1000 fois : 2 fois. Et en prenant l'éolien marin ? Ben on n'en sait rien, puisque contrairement au nucléaire (et à la croyance populaire) on n'a jamais démantelé un parc éolien off-shore. Du coup on fait des études et on croise les doigts. On sait juste que ce sera plus cher que le terrestre. Je ne serais pas surpris d'arriver au même ordre de grandeur. Le mythe du "nucléaire qu'on ne sait pas démanteler" ou "qui est trop cher à démanteler", c'est comme celui de la voiture électrique qui émet plus de CO2 que la voiture essence... Ça sert à rassurer ceux qui ne veulent pas regarder les chiffres en face.
Pour le démantèlement des éoliennes, si on sait démanteler un bâtiment (onshore), et si on sait démonter une plateforme pétrolière (offshore), c'est vraiment des choses qu'on maîtrise très bien, il y a rien de très compliqué.
Je suis certain qu'on saura démanteler l'éolien off-shore, tout comme on sait démanteler le nucléaire. La question, c'est le coût. Pour le nucléaire, on à des chiffres clairs (cf. Chooz en France et les autres déjà faits aux USA). Pour l'éolien off-shore, on a seulement des opinions et des suppositions.
Depuis quelques mois, les allemands commencent à réaliser ce qu'ils ont fait. Et je ne parle pas de mon opinion personnelle - regardez les articles de presse récents qui font le point sur la transition énergétique allemande, par exemple
https://www.challenges.fr/energie-e...e-de-bois-de-la-transition-energetique_655346. C'est le plus "grand public" je pense.
Je résume très vite : pour des raisons purement émotionnelles, les allemands ont décidé après Fukushima (qui a causé très exactement 0 morts en Europe, et à peu de choses près autant dans le monde entier) d’accélérer la sortie du nucléaire. Ils ont dépensé
300 milliards d'euro en dix ans, et ils vont arriver à
500 milliards en 2025. Le prix du courant a quasiment doublé sur la période (ils ont maintenant le courant le plus cher d'Europe, youpi les champions). Et pour faire quoi ? Ben rien en fait. Le plus gros problème que nous avons collectivement, le rejet de gaz à effet de serre, n'a pas bougé d'un pouce - les Allemands restent dans le top des émetteurs en Europe (youpi les champions). On a résolu un problème qu'on n'avait pas ; on a résolu un fantasme collectif. On a fait plaisir à des gens qui avaient une peur déraisonnée. On a acheté très cher une "bombe anti-monstre" qu'on a sprayé sous le lit pour rassurer les enfants - voilà, tu peux dormir tranquille, il n'y aura pas de méchant qui va te manger cette nuit.
Et pendant ce temps le climat se dérègle, et plus personne n'acceptera de re-doubler le prix du courant pour passer au gros du problème : le fossile. Faute de pognon, ce sera le statu quo. Les gilets jaunes français ont été déclenchés par l'idée qu'on allait taxer les carburants fossiles.
Je colle ici le dernier paragraphe de l'article : "Quant à l’incroyable concomitance du rejet des énergies carbonées et du
quasi-renoncement de l’Occident au nucléaire, pourtant la source d’énergie non-carbonée la plus puissante, elle restera sans doute un mystère aux yeux des historiens de demain."
Oui, j'ai un peu les boules :-| On a la chance d'avoir en France un excellent moyen de produire du courant, avec des rejets de carbone minimes, avec des risques minimes, avec des dégâts minimes, et on se comporte collectivement comme des enfants qui ont peur. Oui, les historiens vont vraiment avoir du mal à nous comprendre.