Entré chez Tesla il y a un an et demi, cet ancien de PepsiCo n’a pas eu la tâche facile depuis son arrivée. C’est ici que sont produits les batteries et les moteurs de la Model 3, le premier véhicule de série de la firme d’Elon Musk. Et c’est ici qu’une bonne partie des goulets d’étranglement survenus dès l’automne 2017 ont ralenti la montée en puissance de la production du véhicule. Au point que Tesla a raté ses objectifs à plusieurs reprises et frôlé la faillite au printemps. « Nous n’avons pas beaucoup dormi ces derniers mois », avoue en souriant le dirigeant.
Aujourd’hui, les lignes tournent à plein régime, 24 heures sur 24. « Nous avons atteint le rythme de 10.000 packs batteries par semaine. Ça a été un immense challenge, assure-t-il. Et nous continuons à monter les cadences. » Objectif, assurer les livraisons de la Model 3 en Europe, qui doivent démarrer le mois prochain. En incluant les batteries stationnaires également produites ici (les fameuses Powerwall pour un usage résidentiel et Powerpack pour l’industrie), la production a atteint en juin dernier un rythme annualisé de 20 GWh − et les analystes estiment que l’objectif, à terme, d’un rythme de 35 GWh par an a déjà été atteint fin 2018.
Pour y parvenir, il a fallu revoir l’organisation à certains endroits et revenir sur l’automatisation à outrance − alors que la Gigafactory devait être, selon la vision d’Elon Musk, « la machine qui fabrique la machine ». Le contraste est frappant. Sur certaines lignes, comme la fabrication des moteurs ou l’assemblage des bas de caisse (où sont intégrées les batteries), c’est un ballet de robots, immenses bras articulés pivotant et basculant en rythme, qui accueille le visiteur. Sans un humain, ou presque, en vue. Mais sur d’autres, les opérateurs sont omniprésents.
L’assemblage des batteries en module, notamment, a été réorganisé. « Il y avait trop d’allers-retours entre différents postes, trop de passages par les élévateurs. Et certaines tâches, comme l’assemblage de câbles, sont plus adaptées à une manipulation humaine. Nous avons dû simplifier les process », explique Chris Lister.
Même si des lignes pointillées jaunes barrées d’un signe « AGV route » pullulent sur les sols des immenses couloirs, les AGV (pour « automated guided vehicles », ces chariots automatisés qui prolifèrent dans les usines automobiles les plus modernes) semblent encore rares.
Supply chain intégrée
Pour plus d’efficacité, Tesla a choisi d’accueillir sous son toit ses fournisseurs, au premier rang desquels Panasonic, qui produit les cellules des batteries lithium-ion − des petits tubes de 6,5 cm de long et de 1,8 cm de diamètre. « Mais il n’est pas le seul : il y a aussi d’autres partenaires, comme le français Valeo, qui fabrique des tubes de refroidissement pour les modules », indique Chris Lister. C’est un scoop, car Tesla interdit généralement à ses fournisseurs d’évoquer tout lien. « Cette intégration de la supply chain permet non seulement de réduire les coûts logistiques, mais aussi de résoudre les problèmes plus facilement », poursuit-il. Pour favoriser la communication, les bureaux fermés sont proscrits. Les personnes dédiées à l’administratif, à l’ingénierie ou au planning travaillent derrière des bureaux surélevés, au sein d’open spaces lumineux, cernés de baies vitrées. Mais ici, pas de salles de sport ou de détente comme sur les campus des « tech companies ». Orientée vers le nord pour favoriser les signaux GPS, l’usine est aussi censée fonctionner entièrement avec des énergies renouvelables − à l’aide de panneaux solaires sur le toit ou d’éoliennes. Pour le moment, seule une petite partie du toit est toutefois recouverte de panneaux, et Tesla reste connecté au réseau. Difficile de se battre sur tous les fronts.